La chaise Allegoria, la chaise Valentine, la chaise Eléonor, la chaise Benjamine, la chaise broca, la chaise coup’ coup’.

À partir de textes lus dans différents livres de la bibliographie, j’invente des chaises imaginaires.

 

1/ Distribution spatio-temporelle de la chaise Allegoria, la chaise Valentine, la chaise Eléonor & la chaise Benjamine dans le design Wallon.

Par
Pierre de Abbeville
Département des chaises comparatives de l’université de Bruxelles.
Et Giovanni Wolfchair, Département de biologie Mathématique en chaise de l’université de Milan (Italie).

Ce travail a bénéficié d’une aide de la Fondation Internationale pour la Protection des Chaises et d’une subvention des autorités Belges pour une assise décente.

Introduction et historique
Les premiers spécimens de chaises Allegoria furent rapportés en 1964 à Bruxelles par Magné au retour de son troisième voyage en Wallonie. Leur étude par Delon (1964), puis par Devolier & Aubry (1966) permit à Combes (1967) de formuler le principe, aujourd’hui couramment accepté, de la double hybridation d’assise chez les grandes chaises design (Fig. 1). Cependant on se rendit bientôt compte que si la Chaise Allegoria (Ca) et la chaise Eléonor (Ce) étaient constituées d’une structure diversement répandues dans toutes les Flandres, leurs variétés hybrides, la chaise Valentine (Cv) et la chaise Benjamine (Cb) semblaient n’être attestées qu’en Wallonie, une des deux régions principales de la Belgique, où Magné avait eu de la chance, apparemment exceptionnelle, de s’en procurer. Pour vérifier la validité de ses hypothèses et tenter de préciser les conditions structurelles et fonctionnelles des croisement Ca X Ce et Cv X Cd, Manjou se rendit en 1967 en Belgique, en Wallonie et en Flandre, mais son voyage se solda par un échec. Une autre expédition, organisée en 1968 par l’Association pour la valorisation de la chaise, ne fut pas plus heureuse ; une troisième, financé par la  Fondation nationale pour le Développement du Design et dirigée par Leneur, explora systématiquement pendant trois ans (1969-1972) la wallonie et la Flandre sans d’avantage parvenir à obtenir des spécimens de Cv et de Cb. Les recherches, interrompus par la Crise pétrolière de 1974, reprirent en 1975. Mais alors que les travaux de Farro (1974) et de Vandepot (1976) précisaient considérablement les conditions de fabrication de Ca et Ce, rien de nouveau ne put être apporté concernant les deux variétés d’assises hybrides, sinon que les probabilités d’assemblage entre Ca et Ce (et a fortiori entre Cv et Cd) relevaient apparemment du seul hasard.
Rodolphe Dogniaux

2/ La chaise Broca

Les designers comprennent tout, cela est bien connu. S’il n’y avait qu’eux pour lire ce texte sur la chaise Broca, l’idée ne me viendrait même pas de l’écrire. Mais je soupçonne, hélas, que ce texte sera lu par d’autre personne. En conséquence, je crois devoir donner quelques explications.
La chaise Broca n’est pas une chaise comme les autres. Si vous prenez un plan de chaise, vous verrez – ou vous croirez voir – que la chaise Broca coupe à angle droit la chaise Pascal. Si, confiant dans cette indication, vous prenez votre arrière-train et vous vous assailliez sur ladite chaise en espérant se poser sur l’une ou l’autre de ces chaises, vous pourrez cent fois de suite essayer, vous ne pourrez pas.
La chaise Broca, la chaise Pascal sont donc des mythes ? me direz-vous. Que non ! Elles existent bel et bien. Et elles vont bien, en droite ligne ou presque, du pied droit au dossier central.
L’explication de cette anomalie, vous ne la trouverez pas sur le plan, parce que le plan n’est qu’à deux dimensions. Cette chaise, en un certain endroit, présente une courbure, et passe, pour ainsi dire, au-dessus d’elle-même. Je m’excuse d’employer ici le jargon de la science-fiction, mais vraiment il n’y a pas d’autres mots : la chaise Broca, comme la chaise Pascal, est une dépression, une rainure, une plongée dans le sub-espace à trois dimension.
À présent, laissez votre esprit au garage et reprenez la chaise Pascal, mais à l’envers cette fois-ci. Partez du pied gauche avant et allez vers l’accoudoir de votre choix. A un certain moment, vous vous apercevrez que l’assise qui borde le dossier présente une lacune. Au lieu de côtoyer, comme d’habitude, le vide, vous côtoyez le plein, un plein bordé d’un accoudoir pour vous empêcher d’y tomber. Non loin de là, sur la même assise, une autre assise la traverse. Suivez cette assise sans craintes. Une fois au bout, vous n’êtes pas sur la chaise Pascal : vous êtes sur la chaise Broca. Au dessus d’elle, quelque chose qui ressemble à un plateau thermoformé. Ce plateau thermoformé, c’est le dossier de la chaise Pascal, que vous venez de quitter.
À coté de la chaise Pascal, le même phénomène se reproduit, mais cette fois pour la chaise Broca.
Cela est bizarre, mais cela est.
Maintenant, laissons de côté la chaise Pascal, qui est trop droite, trop large, trop courte aussi pour pouvoir accrocher le mystère, et parlons de la chaise Broca seule.
Cette chaise est courbe, étroite, tortueuse et encaissée. De par l’anomalie structurelle que je viens de signaler, bien qu’à chacune de ses extrémités elle débouche sur des pieds. Elle n’est pas tout à fait une chaise. Peu éloignée de la chaise Pascal, mais sur un autre plan, cachée en plein air, elle constitue, à elle seule, comme un petit salon. Pour les gens qui l’utilisent, cela crée un climat tout à fait spécial. D’abord, ils se connaissent tous, et chacun d’eux sait à peu près ce que font les autres et à quoi ils s’occupent, ce qui est exceptionnel sur une chaise.
Rodolphe Dogniaux

 

3/ La chaise « coup’ coup’ » de Piero Plieri

La réalisation de la chaise « coup’ coup’ » de Piero Plieri – dont le fameux concept « coup’ coup’» sur lequel il a été déjà beaucoup écrit – implique une attitude corporelle singulière. Rappelons Brièvement la procédure, bien qu’elle soit désormais très connue, peut-être trop, en ce sens qu’elle a pu parfois oblitérer le regard sur le design, en raison de l’appétence du monde du design pour une certaine folklorisation des pratiques. La « coup’ coup’» titre d’une chaise de Piero Plieri en 1977, consiste à coupé aléatoirement vingt-quatre fois une planche de plastique d’un mètre carré, avant de l’enduire d’un solvant (parfois un aplat de sillicone, parfois en superposition de couches de colles épaisse, selon les budgets). Dans un second temps, les planches de plastique sont décalées selon trois axes x y z jusqu’à atteindre douze angles orthogonaux, dévoilant la structure d’une chaise plus ou moins contrôlée. Deux zones vides, choisies délibérément sont recouvertes d’un textile d’ameublement figeant l’ensemble de la structure. Ce mode opératoire nécessite donc de rompre avec un usage vertical et relativement statique d’une chaise pour la saisir, la manipuler au sol, marcher dessus, etc. Rétrospectivement, Piero Plieri écrit avoir « passé sa vie de designer à quatre pattes et plus bas encore ».
Rodolphe Dogniaux

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