Le design…

Le design… quel magnifique métier. Tous ces voyages en TER, à la rencontre de fournisseurs à Oyonnax, à Alès et à Dole. Toutes ces journées à déchiffrer des cahiers des charges inexpressifs, d’un élégant jargon, à la fois technique et chaotique. Tous ces moments face à un client à démontrer l’intérêt et la pertinence de nos propositions avec ferveur et passion et à se sentir incompris. Tous ces moments où le projet mené durant cinq mois est d’un coup annulé, abandonné et souvent non payé. Tous ces moments passionnants où les projets alimentaires prennent le pas sur d’autres projets personnels. Toutes ces journées coopératives, collectives, collégiales avec les acteurs importants du projet mené sur Skype, avec une mauvaise connexion Internet. Toutes ces charrettes, ces nuits blanches qui arrivent souvent lors d’un jour férié. Mais n’oublions pas également ces repas de cinq heures en banlieue de Shenzhen entouré de vingt sous-directeurs chinois d’une entreprise de bouchons en PET, à trinquer et à boire cul-sec vingt verres de vin rouge chinois. Et tous ces autres événements que j’oublie mais qui m’ont construit en tant que designer. Je remercie ce métier de me faire accepter l’imprévisible comme quotidien, malgré les nombreux schedules, plannings, méthodes et stratégies mis en place. Merci de me faire travailler au cul d’une machine avec des odeurs de forge et de soudure. Merci de pouvoir pratiquer des démarches de projets prospectifs, intégrant sociologie, technologie, économie, ostréiculture et byssus. Enfin, un grand merci aux écoles de design et d’art qui m’ont formé et ne m’ont pas appris tout ça, afin que je le vive et que je définisse moi-même mon métier de designer. Merci de ne pas m’avoir donné la panoplie complète du bon designer, mais de m’avoir proposé une panoplie à compléter où il faut trouver l’équilibre entre acquis de compétence, expérimentation, culture et technique. Cette position m’a permis, en tant qu’élève, de construire un libre arbitre et un sens critique et d’établir mon propre parcours. Les projets bodybuildés pour appréhender la construction d’approches complexes diverses et les projets augmentés, par un ingénieur, par des responsables de filières déchets, par des sociologues, par des agitateurs d’idées, m’ont ouvert des points de vue et des possibles inattendus pour développer mes projets. Merci chères écoles de design de me sensibiliser et de m’inscrire dans la culture du projet, essentielle dans l’enseignement du design afin d’inventer de nouveaux scenarios et d’évoluer entre des approches mercantiles, plastiques, symboliques, empiriques, expérimentales, et de questionner la société. Ces lieux d’enseignement qui se cultivent et se nourrissent de l’air du temps métamorphosent l’intuition en production afin de découvrir de nouveaux terrains d’aventure. Des formes d’enseignement non basées sur une spécificité, me font comprendre que le design est en perpétuel mouvement, et me permettent de mieux accompagner, voire provoquer des changements en me laissant un champ libre d’action et d’invention. Merci de me faire partager les propos d’Ettore Sottsass en me faisant comprendre que « le design est une façon de concevoir la vie, c’est une façon de concevoir la société, la politique, l’érotisme, la nourriture et même le design. Au bout du compte c’est une utopie figurative ou une métaphore sur la vie. Assurément, le design, pour moi, ne se limite pas à la nécessité de donner forme à un produit plus ou moins stupide pour une entreprise plus ou moins raffinée. Si l’on veut dispenser un enseignement quelconque sur le design, le premier enseignement à donner porte sur la vie et l’on doit insister en expliquant que la technologie est une des métaphores de la vie. » Merci de m’apprendre et de me faire découvrir, notamment à travers vos ateliers techniques régulièrement actualisés, cette capacité du design et de l’enseignement des écoles d’art et design à donner forme à des recherches et à des concepts complexes. Merci de me maintenir toujours en veille au regard des interstices du design, de proposer et d’explorer jour après jour de nouveaux territoires, de nouvelles économies, d’inventer de nouvelles représentations citoyennes, puis de me faire comprendre et assumer que l’un des partenaires naturels du designer est l’entreprise. Les rapports collaboratifs, les projets coopératifs, les problèmes de structures productives sont un terrain d’action et de construction pour ma formation de futur designer. L’enseignement du design doit, plus que jamais être un processus créatif, flexible et anticipateur du changement. Dans ce contexte, chaque jeune futur designer doit apprendre à se fabriquer ses outils de lecture, d’exploration et de conception pour trouver un angle de vue et d’intervention qui lui soit propre, afin de répondre aux questions de l’évolution de nos sociétés. Le design prend toute sa valeur dans sa capacité d’inventer de nouveaux contours de la vie quotidienne. C’est l’observation pertinente de l’évolution des modes de vie des individus, des communautés, et la capacité de les accompagner, qui conduisent la création industrielle sous toutes ses formes. Et pour finir, merci chères écoles de me faire comprendre qu’aujourd’hui et demain, il existera toujours autant de manières de pratiquer le design que de designers et de formes de l’enseigner.

Rodolphe Dogniaux, Méthode design en ligne à l’Esadse

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