Réflexion autour du trilobite, de l’archétype et du design

Le trilobite, créature éteinte depuis des millions d’années, revêt une fascination particulière pour l’humanité contemporaine. Sa forme, sa structure et son histoire évoquent des réflexions profondes sur l’archétype et le design.

D’abord, le trilobite incarne un archétype, une représentation universelle. Son anatomie symétrique et sa carapace segmentée révèlent des principes fondamentaux de la biologie et de l’évolution. Cet archétype offre un lien saisissant entre notre monde actuel et un passé très lointain. Il nous rappelle la continuité du vivant et notre place au sein d’un vaste réseau d’êtres vivants.

En considérant le trilobite sous l’angle du design, il est impossible de ne pas être impressionné par son efficacité et son adaptation aux environnements marins anciens. Chaque détail de sa morphologie, chaque rainure et chaque appendice, témoigne d’une optimisation pour la survie et la reproduction dans un écosystème qui nous est désormais presque étranger.

Lorsque nous envisageons de concevoir des objets, cette perspective du trilobite nous invite à repenser nos propres créations. Comment pouvons-nous, à l’instar de cette créature antique, tirer parti de principes universels pour concevoir des objets ou des systèmes plus efficaces, plus durables, ou plus esthétiques ? Comment pouvons-nous nous inspirer des archétypes du monde naturel pour façonner des designs qui résonnent avec notre environnement et notre époque ?

Enfin, le trilobite nous pousse à réfléchir à notre responsabilité en tant que concepteurs. Son extinction rappelle la fragilité de la vie sur notre planète et les conséquences potentielles de nos actions sur les écosystèmes. Il nous incite à adopter une approche plus réfléchie et respectueuse dans la création d’objets et de technologies, en tenant compte des implications à long terme pour notre planète et ses habitants.

En somme, le trilobite, en tant qu’archétype et objet de design naturel, offre une source inépuisable de réflexion. Il nous encourage à repenser notre approche du design, à puiser dans les leçons de l’histoire naturelle et à prendre conscience de notre responsabilité envers le monde qui nous entoure.

Proposition de trilobites fourchette

La conception d’une fourchette-trilobite est une entreprise à la fois expérimentale et sérieuse, car elle fusionne des concepts éloignés pour créer un objet qui incite à la réflexion. Le trilobite, une créature préhistorique éteinte depuis des millions d’années, est le point de départ de cette réflexion.

Lorsque j’envisage la conception d’une fourchette-trilobite, il est essentiel de prendre en compte la forme du trilobite, avec son exosquelette distinctif composé de segments articulés. Ces segments peuvent être adaptés pour devenir les dents de la fourchette, permettant une prise efficace des aliments. Ce concept évoque la nature intemporelle du design, car il montre comment un modèle vieux de plusieurs siècles peut être réinventé pour répondre à des besoins rudimentaires.

La fourchette-trilobite représente une exploration d’un biomimétisme rustique, une approche de conception qui s’inspire d’une nature fossilisée pour questionner le quotidien. En intégrant des éléments de la morphologie du trilobite, nous explorons comment la nature peut servir de source de conception pour générer d’autre typologie d’objets du quotidien.

L’aspect expérimental réside dans la question de savoir si une fourchette inspirée de l’anatomie d’une créature marine préhistorique peut être à la fois ergonomique et esthétique. Des prototypes et des tests sont entrepris afin de déterminer si cette fourchette offre une expérience de repas fossilisée.

La conception d’une fourchette-trilobite est un mélange  d’histoire, de science, de technique et de design. Elle nous rappelle que le design n’a pas de limites et que même les associations syllepsiques donnent naissance à des objets questionnant. Cette démarche illustre la manière dont le design peut transcender le simple aspect utilitaire pour devenir une réflexion sur notre relation avec le monde naturel et notre capacité à le réinterpréter dans des formes critiques.

 

Références

Les trilobites

      

  
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Samir Mougas / Le Chaînon manquant / 2009

Peugeot Design Lab / Pierre Gimbergues / sofa ONYX / 2012Sofa ONYX Peugeot Design Lab x Pierre GIMBERGUESLucas Munoz / Was the first chair a stone ? / 2015
Was the first chair a stone ? chaise pierre par Lucas MunozWas the first chair a stone ? chaise pierre par Lucas MunozWas the first chair a stone ? chaise pierre par Lucas MunozWas the first chair a stone ? chaise pierre par Lucas MunozWas the first chair a stone ? chaise pierre par Lucas MunozWas the first chair a stone ? chaise pierre par Lucas Munoz

Andrea Branzi / Archetipi / 2019

Archetipi - Andrea Branzi, Archetipi n. 4, 2019, DAS, legno e rete metallica, 40 x 40 h 46 cm ph. Daniele MacchiArchetipi - Andrea Branzi, Archetipi n. 10, 2019, DAS, legno e rete metallica, 50 x 50 h 39 cm ph. Daniele Macchi

 

Andrea Branzi / Dolmen / 2014

Brynjar Sigurðarson / Set of stones / 2017


Katia Brytkova / E°FDB / 2021

LARA ZETTL / FUTURE FOSSILS / Projet de diplôme / ECAL / 2022Future Fossils

Studio Shinkogeisha / Nosemono / 2022


Hank Beyer et Alex Sizemore / For the Rest of Us
     Julia Lohmann / lasting void / 2007

          
Fossiles du paresseux géant découvert en Guyane / 2020
Fossiles du paresseux géant découvert en Guyane

Royal Belgian Institute of Natural Sciences / impression 3D d’os de Mamouth
imprimante 3D Mammoth de MaterialiseMaterialise employee holds large 3D-printed bone, measuring over one meter long Materialise employee wearing protective equipment spray-paints 3D-printed bone in a brown color 3D-printed mammoth bones hanging to dry after being painted Mammouth de Lierre exposé au Muséum des Sciences naturelles de Bruxelles

Maguerite Humeau / un mammouth laineux, un entélodonte, un ambulocetus, 

Joris Laarman / Bone Chaise / 2006


Filipe Ribon – S-OS

Emmanuelle Poirier / Cow ProdProsthesis Contenants prothèses Os divers, résine acrylique, calles
Fine Bones Contenants en porcelaine Porcelaine, cendre d'os, émail, sérigraphie
Fine Bones Contenants en porcelaine Porcelaine, cendre d'os, émail, sérigraphieFine Bones Contenants en porcelaine Porcelaine, cendre d'os, émail, sérigraphie
Brynjar Sigurðarson / Milos Ristin / Luc Beaussart / Thibault Penven /THE ICELAND WHALE BONE PROJECT / ECAL / 2013

MASTER DESIGN PRODUIT, Brynjar Sigurðarson, Iceland Whale Bone ProjectMASTER DESIGN PRODUIT, Brynjar Sigurðarson, Iceland Whale Bone ProjectMASTER DESIGN PRODUIT, Brynjar Sigurðarson, Iceland Whale Bone ProjectMASTER DESIGN PRODUIT, Brynjar Sigurðarson, Iceland Whale Bone Project
MASTER DESIGN PRODUIT, Brynjar Sigurðarson, Iceland Whale Bone ProjectMASTER DESIGN PRODUIT, Brynjar Sigurðarson, Iceland Whale Bone ProjectMilos Ristin, MASTER DESIGN PRODUIT, Brynjar Sigurðarson, Iceland Whale Bone Project

TEXTE GÉNÉRAL SUR LES RÉFÉRENCES

Les trilobites étaient d’anciens animaux marins qui ont vécu il y a plus de 250 millions d’années, principalement pendant le Paléozoïque, une période essentielle dans l’histoire de la vie sur Terre. Ils ont laissé des fossiles dans les roches, souvent préservés sous forme de pyrite, un minéral brillant, ce qui permet aux paléontologues d’étudier leurs détails anatomiques en utilisant des radiographies aux rayons X.
Dans un tout autre registre, l’artiste Samir Mougas, avec son œuvre « Le Chaînon manquant, » explore une rencontre improbable entre une reproduction de limule, une créature marine ancienne, et un aileron de tuning. Cette juxtaposition met en lumière la tension entre l’éternité de la forme animale et la pratique du tuning, qui consiste à personnaliser des véhicules de manière sérielle. Cela réfléchit sur la manière dont nous concevons le temps et l’évolution.
Le designer Pierre Gimbergues, avec le « Sofa ONYX » du Peugeot Design Lab, fusionne des matériaux naturels, comme la pierre de carbone et la lave de Volvic, avec des matériaux technologiques, tels que le carbone, créant ainsi une pièce de mobilier unique.
Lucas Munoz, diplômé de l’académie de design d’Eindhoven, explore le concept de « bâtardisme » en concevant des objets en utilisant des matériaux naturels et industriels dans leur état brut. Il recherche une représentation spéciale des objets basée sur l’inattendu et l’étrange.
Andrea Branzi, dans son projet « Archetipi, » explore les archétypes en architecture, en s’inspirant de structures primaires et en les réimaginant. Il souligne la crise actuelle de l’architecture civile et de l’entreprise, proposant les archétypes primaires comme une matière à étudier.
« Dolmen » d’Andrea Branzi s’inscrit également dans sa réflexion sur la métropole primitive, explorant la transition entre l’homme et l’animal.
Le studio Brynjar & Veronika crée une gamme de fausses pierres hyperréalistes en impression 3D. Cette collection brouille les frontières entre le naturel et l’artificiel, entre la réalité et la fiction.
Katia Brytkova explore des formes hybrides et pseudo-naturelles dans son projet de diplôme, cherchant à créer une « bibliothèque de formes » qui remet en question les normes du design.
Le projet « Future Fossils » de Lara Zettl invite à un voyage à travers la découverte du premier fossile fabriqué par l’homme, mettant en lumière l’impact de l’humain sur la planète.
Le studio Shinkogeisha crée la série « Nosemono, » mélangeant des éléments naturels, comme la pierre, avec des pièces manufacturées pour développer une philosophie respectueuse de la nature.
Des scientifiques ont découvert des fossiles de paresseux géants en Guyane, offrant un aperçu de ces créatures anciennes.
Julia Lohmann explore la cavité interne d’un veau pour créer un moule, mettant en lumière la transformation des animaux en produits.
Marguerite Humeau redonne vie à des animaux préhistoriques en explorant leurs cavités sonores et en créant des dispositifs intelligents.
Joris Laarman conçoit la « Bone Chaise » à partir d’un matériau unique et utilise un algorithme pour créer une conception imprévisible, mettant en évidence l’interaction entre l’homme et l’ordinateur.
Filipe Ribon propose « S.OS, » un système de production fictionnel utilisant les os de bovins provenant de l’industrie agro-alimentaire pour la création d’objets.
Emmanuelle Poirier explore « Cow Prod, » un système de production fictif basé sur l’utilisation des bovins pour la création de matériaux, envisageant un avenir où la viande de synthèse prendrait le pas sur la viande animale.
Enfin, le projet « Iceland Whale Bone Project » de Brynjar Sigurðarson, Milos Ristin et Luc Beaussart implique l’utilisation créative des os de baleines échouées sur les côtes islandaises.
Tous ces exemples reflètent notre relation complexe avec la nature, les matériaux, le temps et la façon dont l’art, la science et le design interagissent pour façonner notre compréhension du monde qui nous entoure.

TEXTE PAR RÉFÉRENCE

Les trilobites
Les trilobites sont d’anciens animaux marins qui ont disparu il y a 250 millions d’années. Ils ont vécu principalement pendant le Paléozoïque, une période importante dans l’histoire de la vie sur Terre, marquée par l’expansion des organismes sur les continents. Certains d’entre eux, comme les graptolites, les chitinozoaires, les trilobites, les fusulinidés, les archaureocyathidés et les tétracoralliaires, ont disparu à la fin ou avant la fin de cette ère, tandis que d’autres, comme les agnathes, les reptiles, les poissons, les gymnospermes et les phanérogames, ont survécu. Les trilobites ont été abondants et largement répandus du Cambrien jusqu’au Permien, couvrant ainsi une période de plus de 250 millions d’années ! Dans les roches qui les renferment, on trouve des fossiles préservés sous forme de pyrite, un minéral brillant. Les paléontologues utilisent des radiographies aux rayons X pour étudier ces fossiles, révélant des détails anatomiques très fins. Cette technique exploite la différence de densité entre la carapace dense du trilobite et la roche environnante plus molle. De ce fait, en plus de la carapace, les pattes et les antennes du trilobite sont souvent conservées.

Samir Mougas / Le Chaînon manquant / 2009
Avec Le Chaînon manquant, Samir Mougas réalise, lui, la rencontre fortuite d’une reproduction de limule et d’un aileron de tuning. Une rencontre probablement fortuite, mais non dénuée de logique.La (ou le, selon les dictionnaires) limule est un animal marin qui a comme particularité d’être considérée par les spécialistes comme une authentique forme panchronique, c’est-à-dire que sa morphologie présente un taux de modification extrêmement faible. Cette espèce n’a pour ainsi dire pas changé d’apparence depuis plus de cinq cents millions d’années, une caractéristique qui a conduit certains scientifiques à remettre en cause les théories de l’évolution de Darwin. L’aileron dont sa reproduction se voit affublée est un élément générique dans le vocabulaire formel du tuning, cette pratique qui consiste à améliorer les caractéristiques esthétiques ou techniques d’une voiture. Ce que fait donc advenir Samir Mougas, c’est la rencontre de deux paradoxes formels. À l’apparente éternité animale répond une pratique qui consiste à personnaliser un véhicule pourtant conçu de façon sérielle, une pratique qui pense l’apparence selon des canons de personnalisation. De cette confrontation, entre l’extrême individualisation et l’attachement à une forme immuable depuis la nuit des temps, résulte le croisement fortuit de deux façons d’envisager le temps. La (ou le) limule apparaît en effet comme coupée de toute histoire et même coupée de toute nécessité à devoir se définir puisque son genre même, en terme grammatical, reste incertain. À l’inverse le tuning, qui répond continuellement aux chants de la nouveauté par d’inlassables modifications, évolue selon les canons en vigueur. Si le chaînon que Samir Mougas nous propose est bien manquant, il n’en est pas moins pensable.

Peugeot Design LabPierre Gimbergues / sofa ONYX / 2012
70 jours de travail sont nécessaire pour sculpter le sofa ONYX, dans 3 mètres de long de pierre composée de carbone et de lave de Volvic. C’est le premier élément d’une série de mobilier unique, fait sur mesure. Le Sofa ONYX du Peugeot Design Lab c’est l’union, via une coupe franche exacerbée, de matières hyper technologiques – carbone, fibre de verre, aluminium,… – à des matières brutes et naturelles – roches, bois, cristaux de pierres. Découpée par une coupe franche, la pierre de Volvic a passé des milliers d’années à filtrer l’eau de source avant d’être taillée à la main et unie au carbone hi-tech qui possède une trame très structurée et technique.

Lucas Munoz / Was the first chair a stone ? / 2015
Les pièces ont été réalisées dans le cadre de mon diplôme du département de maîtrise de l’académie de design d’Eindhoven, et elles illustrent un chapitre de ma thèse, le bâtardisme, qui porte sur l’échelle environnementale de notre environnement de construction. il a fallu quelques mois pour développer ces trois pièces. Des pierres trouvées dans la nature ont été utilisées, ainsi que des matériaux à l’état brut industriel. J’avais l’intention de laisser les matériaux aussi proches que possible de leur qualité brute modifiée par l’homme, c’est-à-dire, sans utiliser de peinture ou toute autre finition artificielle et en modifiant leur forme uniquement pour s’adapter à mes besoins, aucune décoration n’est la bienvenue. seul l’acier était bruni pour le protéger de la rouille. dans le cas de la roche suspendue, l’acier du cadre n’a été poli que sur les zones en contact avec l’utilisateur, le reste a été laissé car il provient de l’industrie. sur le fauteuil à bascule, la structure était oxydée au contact de la pierre, de sorte que la pierre dégageait des fumées provenant de ce processus, car la rouille de l’acier aspirait l’eau de la pierre. le tabouret haut était poli comme l’aurait été une bague.

Andrea Branzi / Archetipi / 2019
Andrea Branzi, explore avec ses travaux de recherche,  le thème des archétypes qui, en architecture, signifient « faire référence à des structures primaires, telles que des cabanes, des clôtures, des structures agricoles, des blocs de roche, dont la fonction n’est pas définie. Des formes simples et carrées d’un monolithe aux formes plastiques et sculpturales qui rappellent la forme d’une poire, en passant par les plus complexes, semblables à des clôtures et des cabanes, Branzi identifie les formes primordiales de construction, qui sont à l’origine du besoins de la vie, pour imaginer et expérimenter l’espace. Ils précèdent le concept d’architecture, cette dernière étant une pensée déjà organisée, structurée en projet. Ce sont des formes absolues, comme peuvent l’être les parallélépipèdes en fil de fer dans lesquels elles sont enfermées, des modèles théoriques qui préludent à toute activité créatrice humaine, que nous reconnaissons intuitivement et dont les références iconographiques nous appartiennent depuis toujours.« L’architecture civile connaît aujourd’hui une crise de crédibilité, dans le sens où son rapport à la société s’est progressivement détérioré ; à son tour l’entreprise traverse une crise profonde et n’est plus en mesure de fournir des cadres de valeurs au projet. Dans ce contexte, la réflexion sur les archétypes primaires devient importante car ils ne constituent pas un héritage du passé, mais plutôt un répertoire à inventer ; c’est-à-dire qu’ils ne constituent pas un certain répertoire mais plutôt un matériau à étudier au plus profond de notre esprit.

Andrea Branzi / Dolmen / 2014
Dolmen prend place dans les réflexions d’Andrea Branzi sur la « Métropole primitive » (2014), à savoir la prise de conscience d’une condition primordiale, archétypale du « devenir animal » de l’homme. Ces « maquettes » s’apparentent tantôt à un site mégalithique tantôt à une bibliothèque énigmatique de « signes ». Le personnage, veillant, tel un stylite, en torsion sur lui-même, évoque l’« homme-gorille » des peintures de Francis Bacon, dans un état de transformation entre l’homme et l’animal. Dans une autre maquette, la disposition erratique de pierres et de tapis évoque les motifs de « mantras » (Maisons à plan central, 1987), où l’architecture est pensée de manière rituelle à partir des objets.

Brynjar Sigurðarson / Set of stones / 2017
Gamme de fausses pierres hyperréalistes en impression 3D. Pour la collection 2017, Thomas Eyck a invité le Studio Brynjar & Veronika, un studio germano-islandais basé à Berlin, à travailler sur un projet pour sa nouvelle collection. Leur intérêt sous-jacent pour les pierres naturelles et les minéraux les a amenés à travailler sur un ensemble de pierres en porcelaine faites à la main. Le résultat est une collection de 53 pierres différentes qui forment ensemble de plus petites familles de pierres de différentes formes et tailles. Chaque pierre arrive dans un vitrage unique qui brouille les frontières entre réalité et fiction, entre naturel et artificiel.

Katia Brytkova / E°FDB
Pour mon projet de diplôme je présente des formes hybrides et pseudo-naturelles, qui déploient des figures familières mais pas véritablement identifiables pour rendre disponible la perception du phénomène du fantastique qui est, à son tour, excessivement subtile, et qui ne peut être ni décrite ni nommée véritablement.Cette famille d’objets n’impose pas sa fonctionnalité en termes commun, mais basée sur l’approche et l’ambiguïté poétique, qui aspire à créer sa propre « bibliothèque de formes », une page vierge, pour créer un univers dans lequel il est possible de réinventer et de redécouvrir les choses; mobiliser les propriétés associatives, la création des métaphores et la capacité de voir plus que ce qui est explicitement indiqué. Mon intention est de me concentrer sur la recherche d’une représentation spéciale des objets basée sur l’inattendu, l’étrange et fantastique; attraction et répulsion simultanées pour représenter indirectement le monde insaisissable et changeant- à l’aide de l’analogie et de la métaphore. J’essaie, par le biais de ces relations complexes, de remettre en question notre espace domestique et contourner les limites du normatif et du design en général.

LARA ZETTL / FUTURE FOSSILS / Projet de diplôme / ECAL / 2022
Future Fossils nous invite à un voyage à travers la découverte du premier fossile fabriqué par l’homme. Cinq chapitres retracent son parcours depuis son origine. A mi-chemin entre le rapport scientifique et le carnet de voyage, cette édition met en lumière l’effet de l’humain sur la planète en contextualisant ses aspects sociaux, géopolitiques et économiques. Rivages abandonnés, océans en mouvement et décharges surchargées, traduisent de l’héritage colonial nuisible à l’environnement d’un matériau : le plastique. Ces artefacts fossilisés témoignent de la culture matérielle excessive des Hommes et d’une rivalité entre le domaine du vivant et du construit.

Studio Shinkogeisha / Nosemono / 2022
Présentée durant le Salon du meuble de Milan 2022, la série Nosemono est le fruit de la créativité des designers du studio Shinkogeisha, basé à Kyoto. L’approche est à contre-pied du processus de design industriel habituel puisque les 3 designers se basent sur un élément naturel, ici la pierre, pour venir y ajouter des pièces manufacturées. Généralement, la conception de produits se traduit par le façonnage de matériaux pour répondre à une problématique. Ici, la manière de faire s’inverse. Le matériau naturel est laissé à l’état brut, avec ses imperfections, puis est scanné en 3D. Cette modélisation permet ensuite au trio de designers Hiroshi Mitachi, Ryo Kosaka et Mariko Asakura de fabriquer des pièces manufacturées qui vont venir s’ajouter à la manière d’un puzzle. Luminaires, dérouleurs de scotch ou vases, l’objectif est ici de créer des objets fonctionnels tout en développant une philosophie respectueuse de la nature. Comme s’ils étaient des parasites, les ajouts artificiels viennent s’imbriquer à la surface de la pierre.

Hank Beyer et Alex Sizemore / For the Rest of Us
Dans une démarche sociologique et philosophique, le duo a entamé un périple dans le nord des États-Unis à la découverte des matériaux locaux et des personnes qui les travaillent, des industries ou de l’artisanat qui se sont développés autour des ressources et des traditions régionales. Ils ont parcouru l’Ohio, le Kentucky, le Michigan et l’État de New York pendant une année. Ce périple initiatique les a poussés à remettre en question leur responsabilité de designers confrontés à l’uniformisation des produits de masse et à l’idée selon laquelle un matériau bon pour l’industrie est un matériau bon pour l’humanité. À travers cette série étonnante, ils célèbrent des valeurs qui ne se chiffrent pas, la richesse de l’expérience humaine et la charge émotionnelle qui se dégage de l’artefact. L’ordinateur (avec son écran, son clavier et sa souris) est retenu comme un des archétypes les plus représentatifs de l’universalisation des produits. Assimilé par tous, il est l’exemple idéal pour défier les automatismes passifs et interroger le rapport à l’objet et à sa conception. Avec humour et parfois ironie, les deux designers en livrent des versions inspirées de leur voyage : en argile, en charbon, en glace, en lard, en calcaire, en tourbe, en cire d’abeille, en plante verte ou en grès. Autant de matériaux et de modes de fabrication inattendus pour ouvrir sur la réflexion et la discussion.

Fossiles du paresseux géant découvert en Guyane / 2020
En octobre 2021, six scientifiques de l’Institut des sciences de l’évolution se sont rendus en Guyane en expédition. Ils ont rapporté avec eux à Montpellier des fossiles d’un paresseux géant. Une découverte exceptionnelle. Où en sont-ils de leurs recherches ?Sur une table d’un bureau au laboratoire de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier sont ressemblés tous les fossiles d’un paresseux géant découvert fin 2020 par des orpailleurs illégaux en Guyane. Ces derniers ont eu heureusement la bonne idée de prévenir le parc amazonien. En octobre 2021, à la saison sèche, une équipe de six chercheurs de Montpellier s’est rendue à Atouka sous bonne escorte militaire. Après 1h de pirogue depuis Maripasoula puis 2h30 de marche, ils sont arrivés sur le site jusqu’alors exploité par des chercheurs d’or illégaux. Des responsables du parc amazonien leur ont remis des fossiles d’un paresseux géant.Ces spécimens rares sont étudiés de près. Rassemblés à l’université de Montpellier, ces fossiles (deux fragments de mandibules, un fragment de mâchoire, un os de l’avant-bras, une vertébre, une côte et un morceau d’épaule) sont scrutés et analysés grâce notamment à un scanner. Pierre-Olivier Antoine précise que ce paresseux géant était un Eremotherium Laurillardi, un cousin du Megatherium. Dans cette famille terrestre, connue depuis près de 180 ans en Amérique du sud, « les plus gros individus faisaient debout 4 mètres de hauteur et pesaient environ 4 tonnes. Celui-ci devait mesurer 3 mètres et peser 3 tonnes, en raison de sa jeunesse », précise le professeur Antoine.

Julia Lohmann / lasting void / 2007
Un moulage de la cavité interne d’un veau. Lorsqu’un animal est abattu, ses organes internes sont retirés. Ils laissent derrière eux un vide, un espace négatif sans but qui disparaît peu après la vie même de la créature. Il n’existe que pendant la période de transition au cours de laquelle nous transformons un animal en produit et commençons à percevoir son corps comme de la viande. Utilisé comme moule, le récipient formera une forme archétypale abstraite.

Maguerite Humeau / un mammouth laineux, un entélodonte, un ambulocetus.
Marguerite Humeau implique dans son projet, un mammouth laineux, un entélodonte (une sorte de sanglier préhistorique), et un ambulocetus (une ancienne baleine à pattes). Elle a travaillé sur les cavités sonores de ces animaux préhistoriques et, en collaboration avec l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique à Paris, a donné vie à leurs grognements, barrissements et cris. Chaque dispositif est équipé d’intelligence artificielle, produisant des sons uniques qui évoluent avec le temps, reflétant les changements survenus de génération en génération. Ces animaux virtuels interagissent entre eux, tout comme leurs évolutions physiques et cérébrales. L’œuvre de Marguerite Humeau est une reconstitution imaginative de l’histoire de ces créatures préhistoriques, mêlant réalité, fiction et incertitudes.Le travail de Marguerite Humeau met en scène la traversée de grandes distances dans le temps et dans l’espace, des transitions entre le règne animal et minéral, et les rencontres entre les désirs personnels et des forces naturelles. Son travail explore les possibilités de communication entre les mondes et les moyens par lesquels la connaissance est générée, en l’absence de preuves ou à travers l’impossibilité d’atteindre l’objet de l’investigation. Humeau entremêle et transforme des évènements factuels en narrations spéculatives, permettant ainsi à des formes de vie inconnues, invisibles, éteintes, d’éclater dans une splendeur grandiose. Combinant préhistoire, biologie occulte et science-fiction en un spectacle déconcertant – les oeuvres ressuscitent le passé, fusionnent les mondes souterrains et sous-cutanés, tout en remettant à jour le genre de la quête à l’ère de l’information.

Joris Laarman / Bone Chaise / 2006
Après avoir vu les premiers résultats de Bone Chair, j’ai tout de suite su que nous avions seulement fait nos premiers pas dans tout un monde de possibilités qui ne demandaient qu’à être découvertes. Pour ma part, je pense que ce serait passionnant de développer davantage de design de cette manière. C’est pourquoi pour la première fois, j’ai commencé à travailler sur une série : la série Bone Furniture. Le deuxième modèle de la série était la Bone Chaise. Celui-ci aussi devait être créé à partir d’un seul matériau et j’ai pensé qu’il serait intéressant de savoir s’il pouvait s’agir d’un matériau souple, en raison de la fonction paresseuse d’une chaise longue. Ce qui était également intéressant dans ce type de conception, c’est qu’elle n’était pas symétrique, de sorte que les résultats de l’algorithme devenaient encore plus imprévisibles. L’une des caractéristiques intéressantes de cette conception est qu’il s’agit d’une interaction entre l’homme et l’ordinateur. Je n’aurais jamais pu imaginer ce design moi-même ; le mien aurait probablement semblé beaucoup plus artificiel. D’un autre côté, un algorithme a besoin de l’apport d’un concepteur pour proposer une conception sensée, dans ce cas-ci, une conception dans laquelle il est également confortable de s’asseoir.
Notre bâtiment situé dans la zone portuaire de Rotterdam abritait également, par exemple, l’atelier de Vincent de Rijk ; bien connu pour les nombreux modèles qu’il a réalisés pour les architectes les plus renommés du monde. Nous y avons mené de nombreuses expériences avec de la résine. Les résines de coulée ont joué un rôle majeur dans l’évolution du design. J’ai par exemple toujours trouvé intéressant le travail expérimental de Gaetano Pesce avec le polyuréthane, ainsi que le travail plus industriel d’Eames. Mais l’un des inconvénients de nombreuses résines de coulée est qu’elles vieillissent rapidement sous l’influence des rayons UV. Cependant, nous sommes tombés sur des résines de moulage nouvellement développées et résistantes aux UV. Cela s’est avéré être le matériau idéal pour cette conception. La transparence glacée du matériau assurerait également la visibilité de la structure depuis le dessus.
Pour réaliser la Bone Chaise, nous avons d’abord réalisé un modèle en bois dont nous pouvions prendre un moule. Nous avons pu découper le modèle à partir d’innombrables couches de bois qui s’emboîtent précisément et forment ensemble la chaise. Un procédé similaire à celui de la Bone Chair en papier, mais plus grossier et à plus grande échelle. La Bone Chaise est le seul article de la série pour lequel nous avons fabriqué un moule à la main. Un travail énorme qui, après de nombreux essais et erreurs, a finalement abouti au prototype aujourd’hui exposé au Centre Pompidou à Paris.

Filipe Ribon – S.OS
Comment revaloriser la matière osseuse issue de l’industrie agro-alimentaire ? Aujourd’hui, en France 20 millions de têtes bovines sont destinées à la consommation alimentaire. Les os issus de cette production industrielle sont considérés comme des déchets. Ils sont récoltés et calcinés. Cette matière minérale qui n’a aucune valeur commerciale aujourd’hui a été utilisée pour la fabrication d’objets domestiques par différents peuples à travers l’histoire. S.OS repose sur cette tradition et questionne son application pour des usages contemporains à travers plusieurs champs d’application :
Lunettes fabriquées sur le principe du lamellé – collé ( une couche d’os, une couche de colle souple ) qui lui donne à la fois flexibilité et résistance. Cette technique pourrrait permettre d’obtenir des couches de différentes couleurs grâce à une teinture.
Stylo. L’os pouvant s’usiner et se polire de manière très précise, il est utilisé pour fabriquer un stylo avec une partie grippée qui facilite la prise en main et une partie lisse agréable au toucher.
Objets jetables liés a l’alimentation. L’os étant une matière alimentaire biodégradable, il est idéal pour la fabrication d’objets à usage unique (souvent réalisés en plastique ) en contact avec la nourriture : une touillette à café, un batonnet à esquimeaux, un pic apéritif , une spatule.

Emmanuelle Poirier / Cow Prod
Jeune designer et étudiante diplômée de l’école Supérieure des Beaux Arts d’Angers (ESBA TALM) en 2014, nous présente son projet de fin d’études baptisé Cow Prod. Un système de production fictionnel qui utiliserait les bovins comme source de matériaux utilisables pour le designer si son utilisation première pour la viande, remplacée par de la viande de synthèse venait à se développer et se démocratiser. « On assiste aujourd’hui à une production agroalimentaire à grande échelle et à une utilisation massive des animaux d’élevage, notamment les vaches. C’est le domaine de l’agroalimentaire qui trouve dans la vache le moyen de produire des matériaux consommables à inclure dans notre alimentation. Les avancées scientifiques se concentrent principalement sur la production alimentaire et donc surtout sur la viande. Le reste du corps de l’animal (qui constitue les 59 autres % de la bête) est encore souvent délaissé au profit de la viande.« fine Bones : Contenants en porcelaine  Porcelaine, cendre d’os, émail, sérigraphie : « La « fine bone china » est un type de porcelaine à base de cendre d’os qui rend la porcelaine plus blanche et l’émail plus transparent. 30% de cendre d’os est incorporé dans la barbotine.     Différentes parties d’os de boeuf (fémur, tibia-péronné et humérus) ont été sélectionnées afin de former 3 moules différents et d’obtenir ainsi des contenants (vase, pichet, verre, pot). Le choix de conserver les traces du moulage et de ne pas retoucher la porcelaine permet d’éloigner l’aspect trop animal et trop organique.« Une fiction faisant presque froid dans le dos, mais pourtant plausible tant du point de vue économique qu’alimentaire, remettant en cause notre alimentation, nos habitudes, nos productions, au risque de nous perdre dans nos flacons et pipettes, mais nous sommes bien en présence d’un mémoire, d’une fiction et projection permettant d’accepter ce postula et d’imaginer les utilisations futures de la bête. Les défenseurs du terroirs et de la cause animale, viendront certainement à réagir et c’est encore une fois pas le but d’utiliser, ou exploiter l’animal mais bien de faire muter et préserver un patrimoine agricole, une économie, ou industrie, polluante, gourmande en énergie, ne garantissant pas de la nourriture pour l’ensemble de la planète et encore moins des conditions dans lesquelles elle est produite (élevage industriel, produits chimiques etc etc)

Brynjar Sigurðarson / Milos Ristin / Luc Beaussart / Thibault Penven /THE ICELAND WHALE BONE PROJECT / ECAL / 2013
Une quinzaine de baleines s’échouent chaque année sur les côtes islandaises. Toute une tradition se perpétue dans cette contrée autour des os de ces géants des mers qui sont souvent usités bruts, mais rarement retravaillés par des designers. En janvier 2013, 17 étudiants du Master Design de Produit de l’ECAL se sont donc rendus à l’Iceland Academy of the Arts de Reykjavik pour un workshop dirigé par le designer islandais Brynjar Sigurðarson. Pour ce dernier, « il s’agissait de recueillir sur les plages différents types d’os de baleines, mais également des peaux ou dents de requins, voire même des déchets en plastique. A partir de là, les étudiants de l’ECAL, venus des quatre coins du globe, devaient s’imprégner de l’atmosphère du lieu et de l’environnement pour créer des objets. » De la tête d’un petit rorqual repeinte façon carrosserie de voiture à des cutters utilisant des dents de requins, en passant par des maquettes de bateaux dont la quille est fabriquée à partir de vertèbres de baleines, des masques conçus avec des restes d’animaux marins et des matériaux contemporains ou un objet décoratif géométrique en os posé sur un piédestal, cette sélection surprenante et poétique s’inscrit dans une réflexion sur les contrastes entre l’ancien et le nouveau, sur la rencontre entre le primitif et le progressif.

Comment notre Terre s’est-elle faite ? / émissions France Culture 13/10/2023
La Terre s’est formée il y a 4,45 milliards d’années, la vie y est apparue il y a 3,5 milliards d’années, et l’apparition de l’Homme ne remonte, quant à elle, qu’à quelques petits millions d’années. Que lui est-il arrivé avant que nous arrivions ? Avec Pierrick Graviou, Docteur en géologie et ingénieur au BRGM et Erik Orsenna, écrivain, membre de l’Académie française, à l’occasion de la sortie d’Il était une fois la Terre  (Gallimard, 2023),
Toutes les sciences contribuent à l’établissement de ce constat. Ainsi, la biologie évolutionniste assure que l’ensemble des espèces vivantes a percolé à travers la barrière des mutations et des sélections. Pour les espèces animales et humaines, ce sont la paléontologie et l’anthropologie qui montrent qu’elles ont émergé de filiations et d’engendrements successifs. Pour les corps inanimés, terrestres ou cosmiques, c’est la mutualisation des résultats de la chimie, de la physique et de l’astrophysique qui explique qu’ils sont l’aboutissement de très longs processus. La cosmologie contemporaine parvient quant à elle à décrire l’univers à « rebrousse-temps », jusqu’à atteindre une description de sa phase primordiale, qui fut suivie de la naissance des galaxies et des étoiles, ainsi que de toutes les formes qui peuplent le ciel nocturne. Se déclinent ainsi des liens génétiques : les étoiles sont les mères des atomes, elles ont pour ancêtres des nuages de poussières, dont la matière provient des phases les plus chaudes et les plus anciennes de l’univers.ouvrage illustré par Serge Bloch.Illustration des pages 112-113 du livre « Il était une fois la terre » (texte de Pierrick Graviou et Erick Orsenna / illustrations de Serge Bloch) – © Serge Bloch / Gallimard

 

 

Serge Bloch / Illustration du livre « Il était une fois la terre »

Herbert Bayer / Still life / 1936

Rodolphe Dogniaux

RODOLPHE DOGNIAUX DESIGN MATIN LABO D’OBJET ESADSE SAINT-ETIENNE

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